Mon titre est plus que douteux, vous allez vite comprendre pourquoi mais j’ai
des circonstances atténuantes : plus je me plonge dans les sujets liés à
la transition écologique, plus je doute.
J’ai bien conscience que ce n’est pas très engageant
pour lire mon nouvel article. Qui s’annonce comme le dernier avant la longue
pause estivale. Je me sens un peu comme cet ours polaire…en apnée :)
Comme que je n’ai peur de rien, je vais aller jusqu’au
bout de ma pensée. Je vais même me glisser dans la peau d’un chercheur en espérant
me rendre compréhensible.
Rassurez-vous ! Je reste très saine d’esprit malgré
quelques mois de rude labeur. C’est tout simplement une matinée que j’ai passé
à Mines ParisTech qui m’inspire cette réflexion digne d’une tragédie de
Shakespeare.
J’ai en effet découvert que cette école était très
engagée en termes de transition énergétique. Elle développe toute une série de programmes et dans le même temps on sent qu'il reste tellement à faire. Je vous préviens tout de suite, le
sujet est un peu pointu mais vous avez plus d’une ressource pour suivre, j’en
suis convaincue.
Vincent Laflèche, directeur de Mines ParisTech précise donc que « 50%
de la recherche est tournée vers la transition écologique et en particulier l’énergie. »
En quelques chiffres cette école, ce sont 180 ingénieurs civils diplômés
par an, plus de 30 millions d’euros de contrats de recherche et 18 centres de recherches en pointe dans leur domaine. Et 2 Prix Nobel (il faut tout de même le dire) : George Charpak
et Maurice Allais. « Nous formons des chercheurs avec un esprit d’entrepreneurs ».
L’école se concentre donc sur les défis de la transition écologique. Il serait bien
trop long de passer en revue tout le travail accompli.
Nadia Maizi directrice du CMA, centre de Mathématiques
Appliquées a retenu mon attention. Et pourtant je ne suis pas un (une?) cador en
maths.
Elle travaille notamment sur la prospective des enjeux
climatiques avec le déploiement dans le cadre d’une chaire de modèles d’optimisation
dédiés à la planification long terme. Elle est donc en lien avec les experts du
GIEC. En clair, il s’agit de voir ce que peuvent donner différents scénariis de
mix énergétique.
Elle mène également des travaux en collaboration avec des industriels,
en particulier Schneider Electric sur le scénario 100% renouvelables à l’horizon
2050 ou contribue à la décision publique avec des travaux sur la valeur
tutélaire du carbone ou la sortie du nucléaire. Vaste débat alors que l’on
attend la Programmation Pluriannuelle de l’énergie, la fameuse PPE. Mais bon je
sens que je vais vous perdre alors je repars dans du concret pour vous parler de
matériaux. « Ils jouent un rôle très important » nous rappelle Vincent
Laflèche.
Là encore, des cerveaux se penchent sur l’optimisation
de ces matériaux.
Nathalie Bozzolo professeur au CEMEF, le Centre de
mise en forme des matériaux à Sophia Antipolis explique que la métallurgie
accompagne toutes les grandes mutations technologiques.
C’est ainsi que la chaire industrielle ANR-Safran Opale vise à l’optimisation des propriétés des matériaux que l’on appelle superalliages.
Ils sont employés pour la fabrication de pièces de moteurs d’avion.
Dans les faits, ces moteurs ont de meilleures
performances lorsque le générateur de gaz fonctionne à une température très
élevée.
Le secteur cherche donc à développer des alliages
nouveaux ou des techniques de mise en œuvre qui permettent d’optimiser les
performances mécaniques dans ce que l’on appelle les ambiances agressives. L’augmentation
de la température de fonctionnement des moteurs permet un meilleur rendement
énergétique. Nous sommes dans le cœur de notre sujet.
Tout se joue au niveau de la microstructure des matériaux,
à savoir ce qui se passe à l’échelle microscopique. Pouvoir voir au plus près
comment tous ces petits cristaux peuvent réagir quand on les transforme. C’est
tout le travail des chercheurs. Ces techniques peuvent servir aussi à la fabrication
de caloducs pour les centrales solaires thermiques. Il s’agit des éléments
conducteurs de chaleur.
Mines ParisTech entre dans l’ère de la métallurgie numérique
et développe des outils de simulation numérique pour aider les entreprises à mieux
comprendre comment le matériau réagit aux opérations de mise en forme.
En écoutant Nathalie Bozzolo, je ne peux m’empêcher de
penser au livre de Guillaume Pitron « La guerre des métaux rares, la face cachée de la transition énergétique et numérique » aux Editions les Liens qui libèrent.
Et
son interview dans Techniques de l’Ingénieur : « Pour la même
production d’énergie, les technologies utilisées aujourd’hui consomment
davantage de ressources que les technologies précédentes. Plus nous irons vers
les technologies vertes, plus nous aurons besoin de ressources. La transition
énergétique veut prôner la sobriété, mais nécessite l’inverse pour être rendue
possible. En clair : elle nécessite davantage de ressources et
c’est un paradoxe. Aujourd’hui, on ne recycle
que 1 % des terres rares mais c’est bien 100 % de tous les
métaux rares qu’il faut recycler. Toutefois, même si l’on recyclait l’ensemble
des métaux utilisés aujourd’hui, il faudrait toujours aller en chercher plus,
c’est inévitable."
Je ne dirai pas que Mines ParisTech n'a pas
conscience de l’importance du sujet mais l’école en est au début de la réflexion. Comme beaucoup.
Nathalie Bozzolo parle de travaux sur la durabilité
des matériaux. Ludovic Molliex de la direction Matériaux&Procédés chez
Safran partenaire de l’école évoque la question dans un dossier fourni sur les
innovations. « On fait appel à des matières nobles dans la production des
superalliages avec des éléments d’addition qui sont parfois rares ou difficiles
à traiter. Un travail de fond a commencé autour de la recyclabilité des
matériaux et leur empreinte carbone…Dans le futur ce sera un enjeu fort de modéliser
tout ce qui est lié à l’analyse du cycle de vie de nos matériels et le matériau
est un contributeur dans le cycle de vie. ».
Nadia Maizi souligne d’ailleurs que les scénarios de
prospective s’appuient sur des analyses de cycle de vie. Pour ceux que j’aurai
perdu entre temps (et je peux comprendre) « L'analyse du cycle de vie ou ACV est une méthode d'évaluation normalisée (ISO 14040 et ISO 14044) permettant de réaliser un bilan environnemental multicritère et multi-étape d'un système (produit, service, entreprise ou procédé sur l'ensemble de son cycle de vie." Je viens de vous donner la définition officielle. Je ne sais pas si cela vous aide. En clair, quand vous avez une voiture entre les mains, vous ne regardez pas seulement ce qu'elle va coûter en essence, son taux de pollution et son usure mais vous analysez tout le processus de fabrication et ce qu'elle va devenir une fois que vous ne serez plus au volant. Et ce n'est pas simple. Je vous défie d'ailleurs de comparer électrique et diesel.
Sur le sujet de la recyclabilité, je
ne jetterai donc pas la pierre à Mines ParisTech parce que je n’ai rien d’un
chercheur. Je vois simplement que la réflexion progresse et que l’école cherche
sa place dans un écosystème. Cette matinée a encore ouvert ma réflexion mais le
chemin semble long.
![](https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgiUgRy2d84721QsfaKrnsS1vnvb99m1WaNCTs7IvkxlGqTTqNtrXjPK_wG80yl2NfI4i6d-HUI0bRGdMde_CdUYayqYjuNuQtbvV8fjx0i9j2qVPPACEkwqVIe8ojxk-euOjXzb1Hd5M3G/s320/Mines5.jpg)
Bref, plus je vous parle de ces sujets et plus je
doute. J’y reviens. Je crains que nous ne nous perdions dans des concepts. Je
réalise à quel point il est complexe d’expliquer les tenants et les
aboutissements d’une stratégie environnementale. Nous agissons tout en vivant
cette mutation.
Rien ne dit que ce que nous faisons aujourd’hui sera totalement
bénéfique. Rien n’est blanc ou noir en matière de développement durable. Et pourtant
le dérèglement climatique se constate régulièrement. Cet été nous
le rappelle. Autant de pluie en un quart d'heure qu'en 3 semaines sur la Dordogne. Certains diront que les catastrophes naturelles se sont toujours produites. C'est indéniable mais ces phénomènes sont de plus en plus fréquents.
Alors je vais faire une pause pour revenir avec des antennes
encore plus aiguisées. En espérant vous faire comprendre à quel point s’impliquer
est majeur. Même si c’est une goutte d’eau. Bel été à tous.
Profitez avant qu’il
ne fasse trop chaud 😉