Je vous ai donc plombé le moral pour le reste de la journée.
Moi qui d’ordinaire vous parle de démarches positives , me voilà tombée
bien bas. Mais pour être optimiste ,il faut savoir de ce dont on parle.
Figurez-vous que la Boétie disait déjà à la fin du 16ème
siècle : « Pauvres et misérables Français, nation opiniâtre en tout
mal. » Au 20ème siècle, la prise de conscience est de plus en
plus forte . En 1976, Alain Peyrefitte évoquait le « Mal Français ».
En 1964, Michel Crozier faisait figure de pionnier avec le « Phénomène bureaucratique ». Michel
Crozier démontait les mécanismes de centralisation et de multiplication des
règles qui débouchent sur la formation de cercles vicieux bureaucratiques. Il dévoilait
les rigidités et la résistance au changement qui continuent d’apparaître comme
l’un des traits culturels français les plus saillants. 50 ans après rien n'a chanfé. Didier Toussaint
prend ainsi l’exemple de Renault créé à la fin du 19ème siècle.
Louis Renault en prend les commandes de façon autoritaire. La presse le
surnomme « le Saigneur de Billancourt ». Et finalement son gendre
François Le Hideux le décrit très bien en soulignant sa peur de la foule. Nous
y voyons ainsi plus clair : le patron a peur et les salariés aussi ont
peur. Michel Crozier va plus loin en créant le concept de « communauté
délinquante ». Il n'y a visiblement du collectif en France qu’à partir du
moment où il y a projet de délinquance, autrement dit un projet qui va
« contre le chef ». Nous fonctionnons sur des rapports de rivalité et
des mécanismes de contestation de l’autorité. De là apparaît la délinquance institutionnelle.
Si on observe les règles à la lettre tout est bloqué. Il faut donc enfreindre
ses règles pour aboutir à un résultat. Toute allusion à des affaires en cours
serait évidemment fortuite.
Finalement toute la genèse tient à notre histoire. Les
Français font tout à l’envers. Là où les Allemands montrent leurs victoires,
les Français montrent leurs défaites. Et les petits écoliers de garder en
mémoire le dessin de Vercingétorix rendant les armes à César. La soumission est
en nous. Elle se reproduit à la Révolution. Didier Toussaint met en avant une
figure phare, Sade. (J’en reviens au fameux sadisme). L’homme se plait à dire
qu’il aime abjurer Dieu quand il bande. Mais comme Dieu n’existe pas, il est
contraint de le « réédéifier ». En résumé Sade aurait pu dire
« je détruis tout pour pouvoir jouir de ma liberté mais pour en jouir
encore plus il faut que je crée cette autorité. » Robespierre a trouvé un
modèle en Sade. Il n'a cessé de l'affirmer. Et que dire de Jean-Jacques Rousseau qui vante le plaisir que
lui procure la fessée. Le parfait symbole du masochisme, repris en exemple par
Freud. Donc tout serait dit. Nous sommes un peuple qui a besoin d’être soumis
pour détruire et ensuite reconstruire. Mais le traumatisme perdure.
Avec la
Révolution, l’autorité n’a finalement pas été abolie. Didier Toussaint nous
invite à découvrir l’ouvrage la Révolution écrit par Edgar Quinet (qui n’est
pas qu’une station de métro). En France, nous finissons par créer d’autres
pouvoirs au sein même du pouvoir. Je parle d’ailleurs souvent du phénomène des
petits chefs. Poussés par les objectifs de rentabilité, ils deviennent même
pervers. Et les salariés sont en souffrance. Pourtant je le répète, beaucoup de
nos concitoyens ont une belle énergie, proposent des idées neuves, ont envie de
changer la donne. Parfois ils se heurtent à des schémas archaïques. Je ne vois
qu’une solution, sortir de notre sado-masochisme ancestral et retrouver notre
liberté sans tabou. Mais avec les règles qui conviennent.
Le chemin sera long,
il faut l’admettre. Didier Toussaint a le mérite de libérer la parole sur le
sujet. A l’approche de la présidentielle il est bon aussi de rappeler
qu’alimenter les peurs ne sert qu’à basculer dans les extrêmes. Notre plus
grand défaut est d’être tombé dans le piège de croire au pouvoir absolu. Le
tyran n’est pas toujours celui auquel on pense. Je veux croire que la jeune
génération aura un autre regard et pourra nous mener vers un cercle plus
vertueux.
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