vendredi 5 octobre 2018

Futé comme une fourmi…ou un bonobo




Il y a des jours où il faut simplement savoir se poser. Mon métier est un luxe, je ne peux que le reconnaître même si tout n'est pas rose. Entre deux préparations ou animations de conférences, des articles ou du média-training, je prends le temps de lire, de me documenter. De retrouver ce qui fait la « substantifique moelle du journaliste » : apprendre pour mieux donner à comprendre. Malheureusement une denrée rare en ces temps où grands médias riment avec rentabilité. Les journalistes vivent dans l’urgence, au rythme de ce qui arrive sans prendre de recul. Combien de fois me suis-je demandé en préparant mon journal « ce sujet que je montais en flèche il y a quelques jours qu’en est-il désormais ? ».  Je ne vous ferai nullement une petite crise sur le bien-fondé de mon existence et de ma passion. J’ai la chance d’avoir pu prendre me prendre un virage. Grâce à mon blog, je peux partager ce que je vis. Toujours apprendre et vous donner à comprendre. 


En ce moment, je découvre l’intelligence animale. Oui je le dis, sans me cacher. Je pensais parfois que certains étaient limités au QI d’une huître ou aux quelques neurones d’un invertébré. Il doit s’agir en fait de l'esprit étroit de quelques humains. Merci notamment à Yolaine de la Bigne de nous rappeler que les animaux sont brillants. Reprenant les interventions lors de l’Université d’été de l’animal, le livre « l’animal est-il l’avenir de l’homme ? » publié chez Larousse est une vraie pépite. Tous les meilleurs spécialistes de l’intelligence animale se sont réunis pour nous montrer que ces derniers avaient beaucoup à nous apprendre en termes de capacité de survie et d’adaptation.

Je profite de ce vendredi après-midi un peu plus tranquille pour vous donner quelques exemples. Connaissez-vous le pouvoir incroyable du chant des baleines ? Pierre Lavagne de Castellan, bioacousticien marin nous le révèle. « Quand on voit les baleines qui chantent face à une masse de phytoplancton en suspension, en région de reproduction dans des eaux chaudes, on peut se demander pourquoi elles font cela. Elles chantent pour la salade ? Qu’est-ce que cela veut dire ? Peut-être qu’elles sont en train de faire quelque chose avec cette salade ? (sic 😊) Si on étudiait cette salade ? Puis on se rend compte que la valeur protéinique de cette salade a augmenté et que seules les femmes accompagnées de baleineaux, c’est-à-dire celles qui allaitent, ont accès à cette salade une fois qu’elle a été traitée par le chant des grands mâles. C’est un travail sur l’alignement des acides aminés, sur les protéines. » Good job collaboratif ! Je vais tenter de chanter devant mes endives ce soir : je ne vous garantis pas un succès absolu. ..

Savez-vous également que les bonobos rient ? J’en vois certains d’ailleurs qui se marrent sous cape. Non, je ne vous parlerai pas de la puissance sexuelle de ces mammifères mais plutôt de leur humanité. Car ils ont aussi beaucoup à nous donner. Claudine André, fondatrice de Loya ya Bonobo un sanctuaire recueillant des petits bonobos orphelins en République Démocratique du Congo passe beaucoup de temps à leurs côtés et a pu les observer« A contrario des gorilles, qui ne supportent pas que vous les regardiez dans les yeux, ou des chimpanzés qui échappent constamment à votre regard, si vous avez le chance de pouvoir échanger un long moment avec un bonobo, il vous regarde-oserais-je le dire-au fond de l’âme…il vous teste, il regarde intensément pour essayer de savoir qui vous êtes vraiment…les bonobos sont les plus empathiques des primates. Il existe entre eux assez peu de violence, et une grande sensibilité aux émotions des autres, visible en particulier à leur façon d’apaiser des congénères montrant des signes de détresse, souvent à la suite d’un conflit. Ces consolations se traduisent par des accolades, des montes sexuelles et autres contacts physiques tactiles. » Vous ne saviez pas quoi faire ce week-end ? Je crois que vous avez la réponse.


Enfin peut-être avez-vous entendu parler de biomimétisme ? Le terme signifie littéralement « imitation du vivant ». Il s’agit de s’inspirer des solutions de sélection naturelle adoptées par l’évolution, pour en transposer les principes et les processus en matière d’ingénierie humaine. Le terme a été forgé par l’universitaire américain Otto Schmitt. Bon nombre d’innovations s’inspirent désormais du monde animal. Il suffit parfois de se baisser pour trouver la source d’inspiration. Prenez les fourmis. Tarik Chekchak spécialiste de biomimétisme nous en révèle les mystères : « Saviez-vous que les fourmis utilisent l’« algorithme des fourmis » ? On a essayé de comprendre comment les fourmis, grâce à des phéromones qu’elles laissent quand elles trouvent une source de nourriture, préviennent les autres. Il y a un certain temps de latence de la phéromone qui est très particulier et très précis dans l’environnement (sinon il y a saturation de l’odeur, si on peut dire). C’est ainsi qu’elles indiquent aux autres fourmis le trajet le plus rapide vers la source de nourriture pour ne pas perdre de temps. Tout cela sert à résoudre ce que l’on appelle le « problème du voyageur de commerce ». Le GPS bien avant l'heure. On peut difficilement faire plus simple. Et pourtant c’est l’infini plus petit qui là encore nous donne des leçons. 

A l’heure où nous essayons d’être plus intelligents avec des robots, il serait peut-être judicieux de regarder de plus près « nos frères d’évolution » les animaux. Envie de reprendre en guise de conclusion cette phrase du paléoanthropologue Pascal Picq: « Il y a soixante ans, nos collègues japonais observent que quand on leur donne des patates douves, les dominants se saisissent de leur part, tandis que les autres doivent se débrouiller. Les dominants ne paniquent pas ; ils n’innovent pas, puisqu’ils sont au centre du système social, ils ont leurs avantages, et donc n’ont pas d’intérêt à ce que les choses changent. En revanche, il y a une femelle qui ne fait pas partie du clan puissant. Elle prend une patate, et comme celle-ci est couverte de sable, elle a l’idée de la nettoyer dans l’eau douce, puis dans l’eau salée. Soixante ans plus tard, tous les macaques vont nettoyer leurs patates dans l’eau…On touche là des principes universels : l’innovation, c’est toujours à la périphérie et jamais au centre. " Suivez mon regard…