lundi 14 janvier 2019

Deviendrais-je collapso ?




Cela va faire plus de 12 ans que je suis tombée par hasard non pas dans la potion magique mais dans le développement durable. Autant le dire tout de suite, ce mot est totalement obsolète. Comme quoi tout file plus vite que l’on ne pense. Il ne s’agit plus de développement mais bien d’adaptation…plus ou moins durable. Et à chaque jour qui passe, je frôle davantage la schizophrénie ou la bipolarité. Mais ça va aller, je vous le promets.
J’ai voulu commencer 2019 en beauté en me plongeant dans le livre de Pablo Servigne et Raphaël Stevens "Comment tout peut s’effondrer" au Seuil. Je sais, j'ai mis un peu de temps car psychologiquement il fallait franchir un cap, il faut dire que c’est parfait pour se donner la pêche (humour potache de début d’année) mais ce livre est incontournable quand on parle du sujet. Parce que la « collapsologie »  a le vent en poupe. Attention, un collapsologue n’est pas un type dépressif qui attend dans sa grotte que la fin du monde arrive. Les 2 auteurs sont formels : le collapsologue est très lucide. Il affronte la réalité bien en face et refuse le déni. Il reste optimiste, figurez-vous et croit que des solutions sont possibles. Sa devise : « l’effondrement est l’horizon de notre génération, c’est le début de son avenir. Qu’y aura-t-il après ? ». 

Le thème de l’effondrement ne date pas d’hier. Grosso modo, il est venu en même temps que moi. Ne pensez pas pour autant que je m'effondre... 50 ans après, nous y sommes. Les courbes de Meadows en 1972 qui simulaient les interactions entre production de nourriture, population, croissance industrielle et écosystèmes terrestres étaient sans appel : l’effondrement généralisé de notre civilisation aura très probablement lieu au cours de la première moitié du XXIe siècle. Bonne année à toutes et tous! :)

Il est certain que les indicateurs ne sont pas au vert : réchauffement climatique, diminution drastique des espaces de vie, effondrement de la biodiversité, pollution profonde des sols, de l’eau et de l’air, déforestation rapide…j’en passe et des meilleures. Je n’ai pu m’empêcher de trouver dans ce livre un écho à la crise des gilets jaunes que nous connaissons : « dans une société « équitable »  c’est-à-dire avec une partie de la population qui ne travaille pas et une majorité qui travaille mais où les richesses sont bien réparties ,un scénario d’équilibre peut être atteint uniquement si le niveau de consommation est faible et la croissance très lente… Ce n’est pas l’épuisement des ressources mais l’épuisement du peuple qui cause l’effondrement d’une société inégalitaire relativement sobre en consommation de ressources »..




Quelques lignes plus bas, vous pouvez lire : « l’augmentation des disparités économiques provoque une accélération globale de la consommation par un phénomène sociologique appelé consommation ostentatoire et décrit pour la première fois par le sociologue Thorstein Veblen : chaque classe sociale a tendance à tout faire (et en particulier consommer) pour ressembler à la classe sociale qui se trouve juste au-dessus. Les pauvres s’efforcent de ressembler aux classes moyennes, ces dernières veulent revêtir les attributs des riches qui eux font tout pour montrer qu’ils font partie des « hyperriches ». Ces inégalités économiques « érodent la confiance des populations en renforçant un sentiment de frustration qui sape la confiance des populations envers le monde politique et les institutions »..Je dis ça, je ne dis rien.

Alors évidemment il y en aura toujours pour me dire que chaque humain se porte globalement mieux dans le monde qu'il y a 20 ou 30 ans et que ce sont des signes encourageants. C’est un fait. Mais dans ces conditions, nous allons être de plus en plus nombreux tandis que nos ressources ne sont pas extensibles. De là à penser qu’une bonne épidémie serait la bienvenue…Sans être une collapsologue convaincue, je ne peux que constater que nous allons toujours dans le même sens, persuadé que le système bâti est le meilleur. Il est totalement dépendant de l’énergie. Sans énergie, il n’y a pas de mouvement. Et dans le même temps les énergies renouvelables n’ont pas assez de puissance pour compenser le déclin du pétrole.


Bref j’ai beau mettre des lunettes roses, je me dis que ces deux là (les auteurs du livre) n’ont pas totalement tort. Alors ce sera quand et comment, cette fin de l'histoire? Ils n’ont pas la réponse. Connaitra-t-on un monde à plus de 5° d’ici la fin du siècle ? Et alors ? N’allons pas jusqu’au suicide collectif. Pablo Servigne et Raphael Stevens gardent un peu de joie de vivre : « « nous réinventerons des moyens de faire la fête, des moyens d’être présent au monde et à soi, aux autres et aux êtres qui nous entourent ». En peau de bête ?? 

Pour ne pas sombrer, je me suis emparée dans la foulée du livre d’Anne Génin et Clémence Blanc. Elles ont écrit à 4 mains « Respect ! Des patrons inspirants pour un monde meilleur » chez Flammarion. Et ce sous-ttitre « Se réjouir, s’inspirer et agir » Il n’y a que des femmes pour être aussi optimistes (je vous promets 😊). 


Après plus de 20 ans au service des grandes marques, elles ont fondé Beebuzz pour apporter aux dirigeants d’entreprises des conseils pour développer durablement leurs stratégies. Elles livrent dans cet ouvrage qui se veut aussi un guide pratique des témoignages qui redonnent confiance. Thierry de la Tour d’Artaise pour Seb, Mathilde Thomas de Caudalie, Charles Kloboukoff fondateurs de Lea Nature ou encore Olivier Clanchin de Triballat Noyal, voici quelques-uns de ces patrons que j’ai croisés sur mon chemin.


J’ai envie de m’attarder sur l’entretien de Nicolas Chabanne et Laurent Pasquier les fondateurs de « C’est qui lepatron » ? Il fallait y penser mais le concept répond tout à fait aux attentes des consommateurs : « leur demander leur avis pour savoir quelle quantité de lait ils souhaitent et à quel prix ils sont prêts à l’acheter". Nicolas Chabanne a le sens de la formule : « c’est la légende du colibri : faire sa part, et c’est un moyen bien plus fort que de voter tous les cinq ans pour envoyer des messages, car faire ses courses est un acte quotidien ». On en revient à la fameuse défiance dont je parlais plus avant.

En conclusion, les deux auteures nous disent que « La France dispose d’entreprises de toutes tailles et de tous secteurs qui arrivent à mettre en harmonie leurs projets économiques et leurs projets sociétaux. Elles peuvent ainsi pérenniser leurs activités, créer de la valeur, faire la différence dans des univers de plus en plus compétitifs et finalement générer de la croissance durable. » 



Et donc là je remets mes lunettes roses. Et finalement je me dis qu’avec ce livre on rejoint les aspirations de Pablo Servigne et Raphael Stevens : « En fait, presque tout se jouera sur le terrain de l’imagination. [...] Nous avons grandement besoin de nouveaux récits transformatifs pour entrer dans une grande période d’incertitude, des histoires qui raconteraient la réussite d’une génération à s’affranchir des énergies fossiles grâce à l’entraide et à la coopération. Finalement aimons-nous les uns les autres pourrai-je dire ? Enfin j’hésite encore entre prendre un Prozac ou engloutir des fraises Tagada…C’est bien la difficulté d’être dans un monde en rupture…avant qu’il ne s’effondre…