mercredi 11 avril 2018

Buvons du bon vin car nous allons trinquer !



C’est avec toujours un grand plaisir que je retrouve mon blog. Trop peu souvent mais c’est pour la bonne cause : je jongle entre les débats sur la pollution de l’air, les circuits courts de l’énergie, le numérique et l’humain et un futur colloque sur le climat en 2050. Je ne vais pas me plaindre. Si je reviens, c’est pour vous parler d’une expérience hors du commun que je viens de vivre. Goûter un vin venu directement de 2050 ! Je n’ai pas été propulsé dans une fusée dans l’espace perdant tout repère mais tout a commencé ce mardi soir au musée du vin dans le 16ème arrondissement de Paris. Le service de presse avait bien fait les choses. C’était le lancement de la Cuvée Bordeaux 2050. Une première mondiale. Nul n’avait osé jusqu’à présent. Je vous le répète, je suis une privilégiée. Derrière cet événement, l’association des journalistes de l’environnement, l'AJE. Son président Valéry Laramée de Tannenberg et Yves Leers ,spécialiste de l’environnement ont publié il y a presque 3 ans " Menace sur le vin, les défis du changement climatique " chez Buchet/ Chastel. Jamais personne avant eux n'avait abordé la question, personne ne l'a fait depuis. Et pourtant savoir que le "jaja" est menacé pour reprendre le terme employé par Valéry Laramée de Tannenberg, cela devrait en inquiéter plus d'un. 



Pour aller encore plus loin dans l’aventure, ils ont donc décidé de faire appel à l’œnologue Pascal Chatonnet, fondateur du laboratoire Excell. C’est ce chercheur qui a élaboré le vin du futur.

Plantons le décor d’abord. Nous sommes en 2050. Le dérèglement climatique est plus que jamais une réalité. Les conséquences sont fatales : les vignobles du centre de l’Espagne et de l’Aquitaine sont sur le point de disparaître si ce n’est déjà le cas. La carte présentée par Yves Leers parle d’elle-même : d’ici 70 ans les vignes pourraient se décaler de 1000 kilomètres au nord de leur limite traditionnelle. 1000 kilomètres au nord en diagonale, on se retrouve en Allemagne. En Angleterre, d’ores et déjà les viticulteurs font un très bon champagne.


L’impact du réchauffement sur le vignoble est multiple. Avec une augmentation de 2 à 4 degrés, l’arôme est appauvri et le goût trop mûr. Les périodes de sécheresse modifient le goût qui devient plus sec et amer. Sans oublier la grêle et les inondations qui gâchent le fruit. Ces 5 dernières années, Bordeaux a connu 3 périodes de sécheresse. Déduisez-en ce que vous voulez.

Cela n’augure rien de bon pour notre Bordeaux de 2050. Pour le réaliser, Pascal Chatonnet a assemblé les 2 cépages traditionnels de la région, le merlot et le cabernet sauvignon mais sous des latitudes plus au sud,  anguedoc-Roussillon et même Tunisie. Un climat plus chaud et plus sec. Vous me direz que le terroir n’est pas le même. C’est un fait mais globalement nous avons avec ce vin un avant-goût amer de l’avenir. Il est très différent du profil original. Un Bordeaux méconnaissable.


Je ne serai pas trop technique car je ne suis pas experte. Rien qu’à la couleur, il n’a plus rien d’un Bordeaux. Ce sont presque des couleurs de Gamay. Il faut dire que les pigments sont modifiés par la chaleur. De la même façon, le vin est fruité, des fruits rouges mais plutôt cuits. Rien de très frais. Quand vous le mettez en bouche, vous avez d’abord une sensation onctueuse, presque sucrée mais qui disparaît vite car les tannins prennent le dessus. Une astringence qui vient du merlot…stressé. Le pauvre! En résumé le vin est moins fin et moins élégant. Par ailleurs il ne vieillira pas bien. Pour le moment, certains viticulteurs de la région sont contents. Ils ont élaboré de bons vins après des étés chauds. La cuvée 2016 est remarquable. Mais attention, quand il fait trop chaud cela ne marche plus.


Comment faire alors ? Il est temps de réfléchir à d’autres méthodes. Certains réalisent des tests notamment avec des cépages portugais. Mais les cadres restent très rigides. Comme le rappelle Pascal Chatonnet, les trois maîtres-mots en matière de vinification sont « loyal,local et constant mais ne n’oublions pas, rien n'est constant. » Amateurs de bon vin, est-ce que je vous ai fait peur ? Le vin est notre patrimoine. S’il est atteint, il ne sera pas le seul. Comme le dit Yves Leers : « tant de choses sont à notre portée mais il en est une plus simple que les autres : se convaincre la réalité du changement climatique »

Je n’aurai donc qu’un mot : Santé !

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